L’automne
L’automne c’est beau. C’est beau comme une robe: rouge de terre cuite, brun et jaune, roux mélangé avec un vert presque criard dans sa dernière tentative de se montrer. Et un peu de bleu dans le ciel ennuagé.
C’est beau comme le soir avant la nuit — avant le froid de l’hiver, après les folies de l’été.
C’est beau comme un espoir, calme et doux repos, comme le silence des pluies d’automne, plus tendres et moins capricieuses que celles de printemps.
C’est beau comme un rêve, comme un sommeil qui ralentit tout, qui donne l’envie de réfléchir, de sentir, de voir, de se souvenir. C’est l’énergie mentale qui s’éveille.
C’est beau comme un éclat de la vie des fleurs automnales qui vont faire renaître leurs feux dans les soleils couchants d’hiver.
L’automne n’est pas triste, elle est claire, calme. C’est une saison orientale, pleine de la philosophie de concentration et de contemplation. Saison mélancolique.
C’est beau comme regret, comme oubli. En automne, on se promène le long des allées des parcs en remuant les feuilles mortes, en remuants les années mortes…
C’est beau comme âge. Ce n’est pas une satiété, c’est une harmonie, une joie sage et recherchée.
C’est beau comme attente, comme tentative et tentation de recréer le monde pendant qu’il se détruit.
C’est beau comme route : on monte lentement une belle colline au sommet de laquelle on retrouvera un jour le printemps.
C’est beau comme sons les feuilles qui bruissent en tombant, la pluie qui chantonne, les oiseaux qui font leurs adieux et le vent qui va les remplacer tantôt par son murmure dans les branches, tantôt par son chant furieux.
C’est beau comme odeur, l’air humide et frais, le parfum subtil de la destruction, l’herbe mouillée et fanée, les arbres moussus, brume légère…
L’automne dresse le bilan de l’année. Tout ce qu’on n’a pas réussi sera remis jusqu’au printemps. On peut arrêter la course. L’automne n’est pas cruel : il fait de nos projets non réalisés, de nos illusions, de beaux châteaux en nuages qui s’en vont lentement sans causer aucune douleur, ni regret. On va tout rattraper un jour. Ou on en fera de nouveau… C’est beau comme saison.
Source: Premier septembre